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Sciatalgie et cruralgie : de quoi s’agit-il ? Comment les soigner et les traiter ?

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Sciatalgie et cruralgie sont deux douleurs relativement communes liées à la sensibilisation d’un nerf issu des racines nerveuses situés au niveau des disques intervertébraux lombaires ou sacrés.
Pénibles et invalidantes, elles méritent que l’on s’y attarde pour mieux les comprendre et mieux les soigner.

Qu’est ce qu’une sciatique ?

Si on parle souvent de sciatique – qui n’est que le nom du nerf affecté, c’est le terme sciatalgie qui est adapté. Cette sciatalgie est une douleur liée à la sensibilisation du nerf sciatique, issu des racines nerveuses L4 L5 S1 S2. Il s’agit donc d’un symptôme et non pas d’une pathologie.

Les symptômes de la sciatique ?

Une sciatalgie peut se présenter sous différentes formes, localisations, etc. Elle peut suivre différents trajets qui ont en commun de descendre du bas du dos vers la fesse et le long de la jambe, parfois jusqu’au pied.
On peut également n’avoir mal que sur une partie du trajet : seulement l’arrière de  la cuisse, ou bien que le mollet, on parle alors de sciatalgie tronquée. Pour certaines personnes, la localisation et l’étendue des symptômes peut varier d’un jour à l’autre, ou en fonction des mouvements. La raison de ces variations est controversée, mais il semblerait que des changements de sensibilité du système nerveux central soient au cœur de ces variations.
L’existence de trajets précis en fonction du niveau métamérique concerné (L4 , L5, S1 ..) est également bien remise en question, donc identifier “l’origine” du problème en fonction de la topographie de la douleur semble assez peu fiable.

Quels diagnostics différentiels ?

La sciatalgie a plusieurs causes possibles et il y a parfois d’autres choses qui peuvent provoquer des symptômes similaires.
Le muscle piriforme a été pointé du doigt comme “cause” de la douleur depuis très longtemps, surtout quand il s’agit d’une douleur au niveau de la fesse, pouvant irradier derrière la cuisse. Cependant, on ne sait pas comment évaluer son implication dans les symptômes de façon fiable et reproductible. Impossible de savoir de façon certaine si c’est bien le muscle qui est à l’origine de la douleur.
Le syndrome du piriforme est de plus en plus controversé, et semble sur-diagnostiqué, probablement à cause de sa “simplicité” (une douleur à un endroit, provoquée par le muscle à cet endroit, c’est simple et linéaire comme raisonnement).

Ainsi, le piriforme peut parfois être une source de nociception (c’est à dire de contractions répétées, de mouvements répétés) mais il est somme toute trop simpliste de réduire la douleur à un muscle, sans avoir de raison solide de le faire.

Il existe une autre entité qui s’abrite parfois sous ce terme parapluie : la radiculopathie. Lorsque le nerf sciatique est comprimé, la transmission des influx nerveux peut être altérée, et la fonction du nerf est dégradée. Il en résulte dans un premier temps une perte de sensibilité cutanée dans les zones innervées par ce nerf . Dans un second temps, on observe une perte de force musculaire au niveau de certains muscles : les muscles releveurs du pied lorsque l’atteinte porte sur les fibres nerveuses issues de l’étage L4-L5 (d’où le “pied tombant”), ou le muscle triceps sural alias le mollet, lorsqu’il s’agit de S1 (impossible alors de monter sur la pointe du pied).

Quelles sont les causes de la sciatalgie ?

Comme toute douleur, elle dépend de nombreux facteurs biologiques, psychologiques, contextuels, sociaux, etc. On retrouve donc les facteurs valables pour “toutes” les douleurs : stress, troubles du sommeil, dépression, inactivité physique, etc. L’accumulation de facteurs peut finir par représenter une menace suffisante pour que le cerveau protège la partie du corps concernée.

Si l’on s’intéresse aux facteurs physiques/biologiques spécifiques à la sciatalgie, on entend partout que la sciatalgie est due à une hernie discale qui vient comprimer une racine nerveuse. Mais c’est plus compliqué que cela.

En réalité c’est surtout la présence ou non d’inflammation au niveau de la racine nerveuse qui détermine si la compression est douloureuse. Certaines compressions nerveuses sont asymptomatiques, et peuvent le rester très longtemps.

Il peut aussi y avoir de l’inflammation sans que le nerf ne soit comprimé.

D’autres choses peuvent sensibiliser les racines nerveuses :

  • des ostéophytes (excroissance osseuse se développant à proximité d’une articulation) ;
  • des mouvement répétitifs, surtout si on n’en a pas l’habitude ou si on n’est pas en mesure de les tolérer à ce moment ;
  • une immobilité, une compression prolongée d’un nerf à cause d’une position particulière.

Quand consulter ?

Il convient de consulter en urgence quand il y a des signes de compression sévère du système nerveux (le syndrome de la queue de cheval en faisant partie) :

  • pied tombant ou impossibilité de monter sur la pointe du pied concerné ;
  • perte de sensibilité de la région uro-génitale ;
  • difficulté à aller aux toilettes ou au contraire l’apparition d’une incontinence.

Ce sont les principaux symptômes que le patient peut repérer. Le professionnel complètera bien entendu son bilan par des tests adaptés (bilan neurologique, tests neurodynamiques…).

Il faut aussi consulter rapidement s’il y a eu un accident ou une chute ou en cas d’apparition de fièvre.

Comment se fait le diagnostic ?

L’imagerie n’est nécessaire qu’uniquement en cas de signes de gravité : les signes de compression sévère cités ci dessus, les signes pouvant évoquer une pathologie nécessitant un traitement spécifique (fracture, cancer, infection, rhumatismes inflammatoires, etc).

Une imagerie non indiquée peut avoir des effets négatifs sur l’évolution du problème du patient au lieu de l’aider, tout particulièrement si l’imagerie est faite rapidement après le début des douleurs. Il convient de préciser que des images dites anormales (comme des hernies discales, de l’arthrose) n’entraînent pas forcément de troubles ou de douleurs.

Qu’est ce qu’une cruralgie ?

Une cruralgie est une douleur liée à la sensibilisation du nerf crural, issu des racines nerveuses L2, L3 et L4.

Quels sont les symptômes typiques ?

La cruralgie est un symptôme et pas une pathologie, donc on parlerait plutôt de caractéristiques.
Le trajet de la cruralgie démarre du bas du dos, pour descendre et contourner la hanche et se retrouver à la face antérieure de la hanche et de la cuisse, puis cela descend vers le bas et l’intérieur de la cuisse jusqu’au genou. Comme pour la sciatalgie, le trajet peut parfaitement être tronqué en fonction de la sensibilité du système nerveux et de la source d’irritation quand il y en a une. Également, le trajet exact de la douleur ne permet pas d’affirmer de façon fiable l’origine du problème ( L2 ou L3 par exemple).

Quels diagnostics différentiels ?

Une douleur de hanche peut irradier sur la face antérieure de la cuisse, parfois jusqu’au genou. Le professionnel vient faire la différence avec son bilan.

Quelles causes ?

Les causes sont globalement les mêmes que pour la sciatalgie. Simplement, les mouvements, les structures du corps qui peuvent sensibiliser le nerf sont différents bien sûr, car le trajet des deux nerfs n’est pas le même.

Comment prévenir la sciatalgie et la cruralgie?

L’un des meilleur moyen de prévention est de pratiquer régulièrement un sport, peu importe lequel tant qu’on y prend plaisir et qu’il nous permet de nous dépenser de façon régulière.
Cela a à la fois des effets très positifs sur notre corps (activation des systèmes d’inhibition descendante de la nociception présents dans le système nerveux central, effets anti-inflammatoires, et bien d’autres) et sur notre santé mentale (plaisir de l’activité, accomplissement, diminution de l’anxiété…).
Un objectif de 2 à 3 séances par semaine est à privilégier. D’autres activités physiques peuvent être ajoutées au quotidien comme marcher davantage ou prendre les escaliers au lieu de l’ascenseur…

La course à pied n’est pas un sport à risque ni contre-indiqué. Même si la course à pied implique des contraintes répétées, mais cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas capables de les tolérer, et même de nous renforcer grâce à elles. On peut citer l’étude de Belavy de 2017 dans Nature qui montre que les personnes qui courent régulièrement ont des disques intervertébraux plus épais et mieux hydratés que ceux qui ne courent pas.

Il n’y a pas de position spécifique à adopter ou à ne pas adopter. Une partie des personnes souffrant de sciatalgie préférera aller dans une direction plutôt qu’une autre (la flexion peut être plus agréable que l’extension, ou inversement, par exemple). On peut commencer par aller dans cette direction plus agréable pour commencer, puis progressivement ré-explorer les mouvements qui sont les plus pénibles.
On utilise parfois des stratégies en kinésithérapie pour pouvoir retrouver ces mouvements sans entraîner la même réponse symptomatique (respiration, détente, focus externe, modifier le mouvement, etc).
Au long terme aucune position n’est à éviter car cela entraîne plus de conséquences négatives qu’autre chose (peur de réaliser le mouvement en question, hypervigilance, perte de l’habitude du corps à effectuer le dit mouvement). Idéalement, il vaut mieux s’exposer progressivement à une grande variété de mouvements, d’activités et de contraintes pour apprendre à les tolérer, et pour que ces mouvements/activités ne soient pas perçus comme des menaces par le corps si on les rencontre à l’avenir. Il s’agit aussi de (re)prendre confiance en soi et en son corps, et de se sentir capable de bouger librement.

Comment traiter les sciatalgies et cruralgie ?

La kinésithérapie

Les objectifs et les moyens de la rééducation par le kinésithérapeute dépendent de l’ancienneté de la douleur et des facteurs identifiés par le kinésithérapeute lors du bilan (qu’est-ce qui participe à la douleur ? Quels drapeaux jaunes ?). Le but premier du kinésithérapeute est d’évaluer le patient et de détecter des facteurs (potentiels) de chronicisation (qui sont souvent des facteurs psychosociaux). Il y a alors une part importante d’éducation, de réassurance et de déconstruction des idées reçues, au travers d’un entretien de type motivationnel, empathique et centré sur la personne. Le kinésithérapeute répond aux questions : “Qu’est-ce qui se passe ? Que pouvez-vous faire ? Que puis-je faire pour vous ? Combien de temps cela peut-il prendre ? “.

Ensuite, en fonction du patient, on peut :

  • Trouver des positions, des mouvements et des techniques qui permettent de mieux gérer la douleur ;
  • Exposer progressivement la personne à des mouvements plus douloureux et apprendre à la personne à doser ces exercices ;
  • Explorer de nouvelles façons de bouger, souvent de façon plus relâchée, avec la respiration, ou en modifiant temporairement le mouvement ;
  • Apprendre à la personne à mieux gérer un pic de douleur ;
  • Le but est de remettre en mouvement, de redonner confiance.

Il n’y a pas d’exercice plus efficace que les autres.

Faut-il se mettre au repos ?

Cela dépend du patient et de l’ancienneté de la douleur. Se reposer n’est pas un souci à court terme. L’évitement pose souci à moyen et long terme quand il devient l’unique façon de faire face à la douleur. En cas de sciatalgie aigüe, il est conseillé de poursuivre ses activités quotidiennes, en les adaptant. En l’absence de signe de gravité, il est possible de faire du sport en présence de la douleur. Mais il est possible d’attendre quelques jours avant de refaire son sport habituel, ce n’est pas un problème, tant que  les bons messages de réassurance et d’information ont été reçus et compris.

En cas de sciatalgie chronique, l’évitement/le repos devient plus problématiques car c’est souvent l’une des seules stratégies perçues comme efficaces par les personnes qui souffrent (car efficace sur la douleur à court terme). Avec le temps, ces personnes ont eu le temps de développer un ensemble de croyances et de peurs à propos des mouvements, de la douleur, et de leur corps. On ne peut pas se contenter de leur dire qu’il faut bouger et continuer/reprendre les activités (ce serait comme dire à une personne anorexique qu’il faut manger, ce qui n’est pas très utile).
Il faut alors décortiquer l’histoire de la personne, ses pensées, ses peurs, pour pouvoir lui proposer des alternatives au repos.  Le repos et l’évitement en eux-mêmes ne sont pas mauvais. C’est davantage l’incapacité à alterner entre différentes stratégies qui pose problème.

Peut-on faire du sport ?

L’activité physique a une myriade d’effets positifs sur la santé et sur la douleur. Nous avons tout intérêt à inciter les gens à pratiquer une activité physique, que ce soit pour la douleur ou pour leur santé générale. Pas besoin de devenir un grand sportif ou de se forcer à faire un sport que l’on n’aime pas. On peut choisir l’activité que l’on préfère, qui nous fait plaisir, qui nous fait voir des gens, car c’est celle-ci qui nous maintiendrons dans le temps et qui sera en phase avec nos valeurs personnelles.

L’un des principaux obstacles à la pratique d’un sport pour les personnes souffrant de sciatalgie est la douleur pendant et/ou après la pratique sportive. Les principaux outils  proposés par le kinésithérapeute pour aider la personne à surmonter cet obstacle sont :

  • L’apprentissage d’un dosage efficace de l’activité, ni trop, ni trop peu, et d’une augmentation progressive de la difficulté de l’activité (on parle de pacing) ;
  • Aider la personne à refaire le ou les mouvements demandés par le sport, pendant la séance, et trouver des astuces pour faciliter le mouvement si besoin (détente, respiration, bouger différemment, focus attentionnel, etc) ;
  • Pratiquer des mouvements réguliers pour désensibiliser le système nerveux et rendre le sport plus accessible.

Quid des anti-douleurs en cas de sciatalgie ou cruralgie ?

Les médicaments par voie orale prescrits pour les sciatalgies ont une efficacité surestimée quand on regarde les études. Aujourd’hui, on ne sait pas quel est le meilleur médicament pour la sciatalgie.
Le paracétamol n’a pas été étudié contre placebo, son efficacité sur les douleurs de la sciatalgie est donc inconnue.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens ont une faible efficacité contre-placebo, avec des effets indésirables non négligeables.
Les corticoïdes par voie orale peuvent améliorer légèrement la récupération en cas de sciatalgie aiguë mais les preuves sont de faible qualité.
Enfin, il y a peu de preuves d’efficacité pour les médicaments opioïdes (antalgiques niveau 2 et 3), alors que leurs effets indésirables sont nombreux et significatifs.
L’idéal est d’utiliser les médicaments avec parcimonie, avec une bonne part d’éducation du patient et certainement pas comme unique intervention sur la douleur.

Les fausses bonnes idées en cas de sciatalgie ou cruralgie

  • Consulter un thérapeute alternatif  : il n’y a pas de preuves d’efficacité au delà du placebo.  L’efficacité de ce type d’intervention (manipulations, énergétique, etc) n’est que de courte durée. En outre, il existe un risque de représentations erronées sur la douleur (explications simplistes et fausses) qui favorise une stratégie d’adaptation passive. Ce placebo est ainsi assez risqué.
  • Trop faire attention à sa posture : le rôle de la posture dans la douleur est très controversé, ce n’est en tout cas pas un élément essentiel.

Merci à Éric Bouthier, kinésithérapeute et auteur du blog https://comprendresondos.fr/ pour son aide