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Kinésiophobie : quand la peur du mouvement freine la rééducation

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Lorsque l’on a mal quelque part – suite à une blessure ou lorsque qu’un douleur s’installe, il est normal et sain d’éprouver une certaine peur à effectuer des mouvements susceptibles  d’augmenter la douleur et/ou de retarder la guérison. C’est même un réflexe salutaire… dans la plupart des cas. Seulement, parfois, cette peur du mouvement s’installe de manière exagérée et infondée quand bien même les professionnels de santé jugent le mouvement possible et même bénéfique. C’est ce que l‘on appelle la kinésiophobie. Zoom sur cette crainte méconnue du grand public quoique largement documentée et partie prenante de la prise en charge en kinésithérapie.

Qu’est ce que la kinésiophobie ?

Couramment, la kinésiophobie correspond à une peur excessive et irrationnelle de faire certains mouvements ou de participer à une activité, que ce soit à la maison, au travail, pendant les sports ou les loisirs. Cette phobie est généralement alimentée par la crainte de se blesser, ou de subir une quelconque conséquence de ces mouvements ou cette activité.

Une nuance est apportée par une définition plus récente qui voit la kinésiophobie comme une peur du mouvement, due à la peur de se blesser à nouveau chez des individus qui évitent fortement cette peur, croyant que la douleur est un signe de lésions corporelles et que toute activité douloureuse est dangereuse et doit être évitée. [1]

Vous devenez alors hypervigilant et vous surveillez et anticipez toute éventuelle sensation douloureuse. Dans la plupart des cas, la kinésiophobie concerne des mouvements ou des activités précises.

Par exemple, situation ô combien classique, vous avez mal au dos. Après les quelques jours de phase aiguë durant lesquels  vous vous êtes reposé, vous craignez de reprendre une activité physique malgré l’aval et même les recommandations de votre médecin et de votre kinésithérapeute. Cette peur va alors vous conduire à éviter le mouvement tout autant par crainte d’avoir mal que d’aggraver une éventuelle blessure – et ce, même en l’absence de lésions.

Il n’y pas de corrélation notable entre la douleur et la gravité des lésions, et la peur du mouvement[2].

Cette kinésiophobie vous fait alors rentrer dans une spirale d’évitement du mouvement et de la peur.

Quels sont les facteurs de kinésiophobie ?

Le modèle d’évitement de la peur montre que lorsqu’un événement douloureux est considéré comme menaçant, il peut créer des pensées catastrophistes qui portent à croire que le mouvement et l’activité entraîneront davantage de douleur et de nouvelles blessures[3].

Mais, à quoi sont dues ces pensées catastrophistes ? Existe-il des facteurs déterminants ?

On peut penser d’abord aux idées reçues véhiculées par les médias, les proches voire des professionnels de santé : “Quand on a mal au dos, on reste au lit”, “Lorsque l’on a une tendinite, il faut éviter toute activité sportive”, “Quand on souffre de fibromyalgie, il faut se reposer”…

D’autres facteurs peuvent entrer en ligne de compte :

  • le fait de souffrir d’une douleur chronique[4]
  • l’âge
  • le sexe[5] – les hommes semblent plus susceptibles de développer une kinésiophobie
  • le fait de vivre de manière indépendante ou en institution spécialisée[6]
  • des croyances erronées sur ses capacités physiques évaluées à la baisse.

 

Quelles sont les conséquence de la kinésiophobie ?

Au fur et à mesure que la kinésiophobie s’installe, elle cause un comportement d’évitement, provoquant un handicap, un déconditionnement et une dépression, créant un cercle vicieux de peur et de douleur perpétuelle[7].

En effet, l’impact de la kinésiophobie a deux visages :

  • Une rééducation moins efficace – qui va causer une chronicisation de la douleur, un déconditionnement physique, le retard de reprise des activités “normales” [8][9][10]
  • Des troubles psychologiques : anxiété, dépression, troubles obsessionnels compulsifs, burn-out… [11][12]

 

Évaluer la kinésiophobie

Afin d’évaluer la kinésiophobie chez leurs patients, les professionnels de santé se servent de différentes échelles et questionnaires. Ce sont de simples outils, parfois jugés imparfaits mais qui permettent une première appréhension du phénomène.

Le questionnaire STarT Back Screening Tool

Le questionnaire FABQ

L’échelle de Tampa

Comment remédier à la kinésiophobie ?

Afin de lutter contre la kinésiophobie, plusieurs approches sont à considérer :

  • Une reprise de l’activité accompagnée par un kinésithérapeute à même de comprendre les mécanismes de peur et d’évitement. Celui-ci pourra avoir recours à des stratégies ludiques comme le serious game et la réalité virtuelle.
  • L’éducation thérapeutique à la fois en termes de santé publique qu’auprès des professionnels de santé pour une approche personnalisée
  • Un thérapie basée sur les thérapies comportementales et cognitives (TCC) auprès d’un psychologue ou d’un psychiatre
  • La pratique de la méditation pleine conscience (mindfulness) encadrée par un professionnel de santé

 

[1] Hapidou, E. G., O’Brien, M. A., Pierrynowski, M. R., de Las Heras, E., Patel, M., & Patla, T. (2012). Fear and Avoidance of Movement in People with Chronic Pain: Psychometric Properties of the 11-Item Tampa Scale for Kinesiophobia (TSK-11). Physiother Can, 64(3), 235-241.

[2] Ishak NA, Zahari Z, Justine M. Kinesiophobia, Pain, Muscle Functions, and Functional Performances among Older Persons with Low Back Pain. Pain Res Treat. 2017;2017:3489617. doi:10.1155/2017/3489617

[3] Larsson, C., Ekvall Hansson, E., Sundquist, K., & Jakobsson, U. (2016). Kinesiophobia and its relation to pain characteristics and cognitive affective variables in older adults with chronic pain. BMC Geriatr, 16, 128

[4] Thomas EN, Pers YM, Mercier G, et al. The importance of fear, beliefs, catastrophizing and kinesiophobia in chronic low back pain rehabilitation. Ann Phys Rehabil Med. 2010;53(1):3-14. doi:10.1016/j.rehab.2009.11.002

[5] KINESIOPHOBIA IN PATIENTS WITH CHRONIC MUSCULOSKELETAL PAIN: DIFFERENCES BETWEEN MEN AND WOMEN Harriet Bränström, MSc, RPT and Martin Fahlström, PhD, MD

[6] Larsson C, Ekvall Hansson E, Sundquist K, Jakobsson U. Kinesiophobia and its relation to pain characteristics and cognitive affective variables in older adults with chronic pain. BMC Geriatr. 2016;16:128. Published 2016 Jul 7. doi:10.1186/s12877-016-0302-6

[7] Larsson, C., Ekvall Hansson, E., Sundquist, K., & Jakobsson, U. (2016). Kinesiophobia and its relation to pain characteristics and cognitive affective variables in older adults with chronic pain. BMC Geriatr, 16, 128

[8] Larsson C, Ekvall Hansson E, Sundquist K, Jakobsson U. Impact of pain characteristics and fear-avoidance beliefs on physical activity levels among older adults with chronic pain: a population-based, longitudinal study. BMC Geriatr. 2016;16:50. Published 2016 Feb 24. doi:10.1186/s12877-016-0224-3

[9] Flanigan, David & Everhart, Joshua & Pedroza, Angela & Smith, Tyler & Kaeding, Christopher. (2013). Fear of Reinjury (Kinesiophobia) and Persistent Knee Symptoms Are Common Factors for Lack of Return to Sport After Anterior Cruciate Ligament Reconstruction. Arthroscopy : the journal of arthroscopic & related surgery : official publication of the Arthroscopy Association of North America and the International Arthroscopy Association. 29. 1322-9. 10.1016/j.arthro.2013.05.015.

[10] Work ability is influenced by kinesiophobia among patients with persistent pain

Mona-Lisa Åkerström MSc, Anna Grimby-Ekman Phd &

[11] Pells J, Edwards CL, McDougald CS, et al. Fear of movement (kinesiophobia), pain, and psychopathology in patients with sickle cell disease. Clin J Pain. 2007;23(8):707-713. doi:10.1097/AJP.0b013e31814da3eb

[12] Taspinar F, Taspinar B, Ozkan Y, Afsar E, Gul C, Durmaz ED. Relationship between fear avoidance beliefs and burnout syndrome in patients with lumbar disc herniation [published online ahead of print, 2016 Jun 17]. J Back Musculoskelet Rehabil. 2016;doi:10.3233/BMR-160725