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Le rôle du kinésithérapeute dans le parcours des femmes atteintes d’endométriose

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Une femme sur 10 en France souffre d’endométriose, maladie encore méconnue et associée à un diagnostic tardif. Liée à des symptômes qui peuvent être invalidants, avec des douleurs parfois intenses, l’endométriose a un retentissement important sur la qualité de vie. Elle nécessite une prise en charge pluriprofessionnelle et coordonnée. Le kinésithérapeute a toute sa place dans le parcours de ces femmes, comme en témoigne Delphine Lelong, kinésithérapeute exerçant dans le cadre de la rééducation pelvi-périnéale à Paris.

L’endométriose est une maladie gynécologique « invisible » et multifactorielle dont nous ne comprenons pas encore entièrement les mécanismes. Ses causes semblent être à la fois génétiques, environnementales et liés aux menstruations[1]. Elle se manifeste par le développement de cellules endométriales en dehors de l’utérus, provoquant l’apparition de lésions ou kystes et le développement de réactions inflammatoires pouvant être associées à la formation de cicatrices fibreuses et d’adhérences entre les organes avoisinants[2]. Elle peut être superficielle (limitée au péritoine) ou profonde (étendue au septum recto-vaginal, à la vessie et au rectum). Environ une femme sur dix en âge de procréer souffre d’endométriose[3] avec, encore trop souvent, une errance diagnostique importante.

Des symptômes variables

« Les symptômes provoqués par l’endométriose peuvent être très différents d’une femme à une autre », note Delphine Lelong. Ils dépendent à la fois de l’avancée de la maladie, du moment du cycle et des autres comorbidités ou problèmes de santé en présence. Des douleurs pelviennes et/ou lombaires (pendant les règles ou en dehors de celles-ci), parfois intenses, peuvent être présentes, ainsi que des troubles de la sphère urologique, gynécologique et anale (notamment constipation chronique, fuites urinaires), des troubles neurologiques, des douleurs lors des rapports sexuels (dyspareunies), une asthénie, etc. C’est aussi la première cause d’infertilité en France (40 % des femmes atteintes d’endométriose ont des problèmes de fertilité)[4].

Il faut savoir que la douleur ressentie ne dépend pas de la gravité des lésions : c’est pourquoi il est essentiel de prendre en compte le vécu de chacune. Le kinésithérapeute a toute sa place dans le parcours des femmes atteintes d’endométriose, y compris pour aider au repérage des signes évocateurs de la maladie. « Quand je reçois une patiente qui a des douleurs lombaires, et qui me confie qu’elle a des cycles irréguliers douloureux et des fuites urinaires, de la constipation chronique, ce sont des drapeaux rouges qu’il ne faut pas négliger », précise Delphine Lelong, qui invite alors les patientes à consulter leur gynécologue pour explorer ces symptômes.

Un traitement à la carte

Un traitement médicamenteux hormonal et/ou anti-inflammatoire peut suffire pour soulager les symptômes. Une intervention chirurgicale, le plus souvent sous cœlioscopie, peut être proposée dans les cas les plus sévères, en deuxième intention.

Selon les situations, les femmes atteintes d’endométriose peuvent avoir besoin d’une prise en charge en kinésithérapie et auprès d’autres professionnels. En effet, comme la maladie touche de nombreux aspects de la santé physique et mentale, il est souvent nécessaire de consulter plusieurs praticiens : gynécologue, kinésithérapeute, urologue, sexologue, nutritionniste ou diététicien, gastro-entérologue, psychologue, …

La prise en charge en kinésithérapie

« Mon premier rôle est de réaliser une évaluation globale des symptômes et des troubles en présence, afin de déterminer avec la patiente ceux sur lesquels nous allons travailler en priorité, témoigne Delphine Lelong. Par exemple, si la patiente est particulièrement douloureuse au moment de la consultation, je peux lui proposer un massage, global ou localisé aux adhérences s’il y en a, des mouvements d’étirements ou des mobilisations à visée antalgique, des exercices de posture, de respiration et de relâchement musculaire. » L’objectif est aussi d’autonomiser la patiente le plus possible, pour qu’elle puisse disposer de ressources pour la soulager entre les séances, en apprenant à réaliser des auto-massages, des auto-étirements, des exercices de mobilisation, etc., qui l’aideront à rompre le cercle vicieux de la douleur.

Pendant les séances, les exercices sont adaptés en fonction des symptômes du moment. Ils peuvent consister à effectuer des mouvements de torsion du dos ou de bascule du bassin, par exemple, ou être centrés sur la proprioception et l’équilibre, ou encore s’attacher à une zone précise : le massage des zones d’adhérences ou des tissus cicatriciels postopératoires en cas d’intervention chirurgicale, ou encore le travail sur les muscles releveurs de l’anus. « Nous pouvons aussi nous focaliser davantage sur le travail cardiovasculaire ou la pratique d’une activité physique, précise la kinésithérapeute. Les encourager à pratiquer ou à reprendre une activité sportive adaptée à leurs symptômes sera bénéfique pour leur santé physique et mentale. En ce sens, le « sport-santé » et les conseils hygiéno-diététiques ont toute leur place dans la lutte contre l’endométriose, comme pour toute autre maladie d’ailleurs ».

Auprès de ses patientes, Delphine Lelong endosse ainsi un rôle de thérapeute, mais aussi de pédagogue et de soutien pour les aider à mieux comprendre leur maladie, à gérer les moments de régression qu’elles peuvent connaître, à se rassurer quant aux capacités de leur corps, à rester actives et à garder la motivation nécessaire pour prendre soin d’elles et de leur santé.

De forts impacts sociétaux et financiers

L’endométriose peut avoir des répercussions importantes sur la qualité de vie et sur la santé mentale. Douleurs, grande fatigue et détérioration du sommeil, notamment, peuvent occasionner des arrêts de travail à répétition et une diminution de la vie sociale. Il est donc important que l’entourage de ces femmes, leur conjoint, leur employeur, comprennent cette maladie afin de les soutenir au quotidien.

Selon leurs symptômes et leurs besoins, certaines femmes peuvent être amenées à consulter un grand nombre de professionnels de santé, ainsi qu’un parcours de procréation médicalement assisté en cas d’infertilité. Non seulement cela leur demande de libérer du temps en journée (donc souvent de poser des jours de congé), mais c’est aussi très coûteux pour elles, car ces prises en charge sont loin d’être toutes remboursées et peu de femmes bénéficient d’une prise en charge en ALD (affection de longue durée).

Pour une prise en charge globale et coordonnée

Le parcours de soins des femmes souffrant d’endométriose peut être complexe. Des unités dédiées à la prise en charge de cette maladie se sont développées, comme à l’hôpital Saint-Joseph à Paris[5]. Elles permettent aux patientes de consulter l’ensemble des professionnels en un seul lieu et de bénéficier d’un suivi coordonné.

De même, des filières régionales de prise en charge de l’endométriose ont été développées par de nombreuses agences régionales de santé (ARS). En Ile-de-France[6], l’ARS a par exemple mis en place une coordination organisée selon quatre réseaux géographiques, facilitant ainsi l’accès au diagnostic et à une prise en charge pluridisciplinaire de proximité.

Enfin, une Stratégie nationale de de lutte contre l’endométriose[7], initiée depuis 2019, et un plan d’action national, annoncé en 2022, visent à développer la recherche, à mieux faire connaître la maladie et à améliorer le parcours de diagnostic et de soins.

Des initiatives inspirantes

La Journée mondiale de lutte contre l’endométriose se tient le 28 mars. À cette occasion, de nombreuses manifestations sont organisées dans toute la France à destination des professionnels de santé, des patientes et du grand public. Des associations comme Endomind[8] et EndoFrance[9] se mobilisent pour mieux faire connaître la maladie, sensibiliser aux difficultés du parcours de soins et développer la recherche. « Pour les patientes, le milieu associatif constitue une ressource précieuse pour trouver une information fiable et un soutien », remarque Delphine Lelong.

L’objectif est aussi d’aider les femmes à mieux comprendre leur maladie, et, pourquoi pas, les inclure dans la réflexion nécessaire pour améliorer la prise en charge. « Les patients experts fournissent des informations précieuses aux professionnels et il est essentiel de valoriser la parole des patientes, note la kinésithérapeute, qui plaide pour l’organisation de tables rondes pluriprofessionnelles : « échanger entre kinésithérapeutes, gynécologues, médecins de la douleur, etc., permettrait de mieux comprendre l’intervention des uns et des autres dans une prise en charge coordonnée au plus près des besoins ».

L’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes appelle les patients à la plus grande vigilance quant à certains types de prises en charge proposées par des pseudo thérapeutes proposant des techniques sans aucun fondement, de nature à tromper des femmes particulièrement vulnérables en raison des souffrances qu’elles endurent.

[1] Haute Autorité de santé, Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF). Prise en charge de l’endométriose. Recommandation de bonne pratique. 2017. https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2018-01/prise_en_charge_de_lendometriose_-_recommandations.pdf

[2] https://www.ordremk.fr/wp-content/uploads/2019/06/fiche-pratique-endometriose-042019.pdf

[3] Ameli. Endométriose : définition et facteurs favorisants. 2024. https://www.ameli.fr/yvelines/assure/sante/themes/endometriose/definition-facteurs-favorisants

[4] https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/strategie-endometriose.pdf

[5] https://www.hpsj.fr/specialites/centre-de-lendometriose/

[6] https://www.iledefrance.ars.sante.fr/lendometriose-en-ile-de-france

[7] https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/strategie-endometriose.pdf

[8] https://www.endomind.org/. « L’Endomarch », notamment, est organisée le 23 mars 2024 : https://www.endomind.org/endomarch

[9] https://endofrance.org/nos-actions/semaine-europeenne-prevention-information/