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Rencontre avec Pasquale Gallo, kinésithérapeute en charge de l’équipe de France de Rugby Fauteuil.

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Pasquale Gallo est l’un de ceux qui œuvrent dans l’ombre. Kinésithérapeute en charge de l’équipe de France de Rugby Fauteuil, il l’a accompagnée aux JO paralympiques de Tokyo cet été.

Nous l’avons rencontré pour qu’il nous parle de son parcours et de cette expérience si particulière que de vivre les JO de l’intérieur.

Mon Kiné et moi : Bonjour Pasquale, pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours ?

P.G. :  Malvoyant, je suis né en Italie avec une maladie congénitale. Lorsque j’avais 1 an, mes parents ont décidé de s’installer en France pour mon suivi médical. J’ai commencé l’athlétisme au collège et j’ai rapidement décroché plusieurs titres nationaux et internationaux. En parallèle des compétitions, j’ai intégré à 18 ans l’école de kiné de l’association Valentin Haüy. J’étais en 2e année d’études lorsque j’ai décroché une médaille de bronze aux Jeux paralympiques de Pékin en 2008 sur le relais 4×100 m. J’ai obtenu mon diplôme d’État en 2010. J’ai poursuivi mes études avec un master, de la recherche et des certifications qui m’ont permis de devenir à la fois professeur et kiné des équipes de France paralympiques. En plus de mon activité de kiné dans un centre de rééducation, j’ai commencé à partir de 2013 à suivre les équipes nationales de rugby fauteuil en tant que kiné. En 2014, j’ai intégré l’IFMK (Institut de formation en masso-kinésithérapie) du CFRP de l’association Valentin Haüy comme professeur. Je suis toujours enseignant – spécialisé en traumatologie – et aussi responsable pédagogique des dernières années. Je suis également référent des étudiants sportifs.

Mon Kiné et moi : Qu’est ce qui vous intéresse dans la prise en charge des athlètes para ? Quelles sont les spécificités de la profession ?

P.G. :  Mes patients sont des individus exceptionnels en situation de handicap. Parce qu’ils ont des pathologies très lourdes de type tétraplégies et associées, ils demandent davantage d’attention que des athlètes valides et l’accompagnement se fairefait vraiment au quotidien, heure par heure. C’est-à -dire que tout ne tourne pas autour du sport. D’un côté, je dois faire en sorte que la pathologie ne nuise pas à l’entraînement et je dois participer à soulager les petits maux quotidiens liés à la pathologie, le tout en lien étroit avec le médecin de l’équipe. Je travaille aussi avec les ergothérapeutes de manière à adapter les fauteuils et optimiser les déplacements et le confort. 

Et, de l’autre côté, je participe de la préparation physique des athlètes. Par exemple, comme les athlètes dont je m’occupe sont en fauteuil, je travaille beaucoup sur la préparation des épaules, du cou et du rachis pour éviter les blessures. De manière transverse, je dois rester attentif à ce que la charge physique ne soit pas trop importante de manière à éviter le surentraînement.  Et, il y a aussi une part d’accompagnement sur le plan mental.

Mon Kiné et moi : C’est aussi une grande aventure humaine…

P.G. : Absolument.  C’est extrêmement fort sur le plan humain. On ne peut pas rester détaché ! En tant que kiné auprès des athlètes, on leur prodigue des soins qui touchent parfois à l’intime et les barrières explosent rapidement. Dès que l’on se met à considérer les sportifs comme des patients, on préfère vite les considérer comme des amis. À partir de là, on noue des liens étroits et on fait tous partie de l’équipe, dans les victoires comme dans les défaites. 

Mon Kiné et moi : Pouvez-vous nous raconter une journée de match aux JO de Tokyo ?

P.G. : Le matin, avant de partir, c’est quartier libre. Je m’occupe de faire des soins de détente et de concentration auprès des athlètes qui le souhaitent. Je prodigue des massages préparatoires notamment aux épaules et j’écoute beaucoup aussi ! 

Ensuite, nous déjeunons tous ensemble. 

Puis, c’est le moment de partir vers la salle où aura lieu le match. Il y a là un gros travail d’accompagnement, on porte les affaires, on fait de la manutention, on aide les athlètes à monter dans le bus, à s’installer, à en redescendre. 

Arrivés sur place, on installe les scotchs qui permettent de maintenir les athlètes  sur leur fauteuil pendant le match. Puis, on pratique des échauffements spécifiques individuellement et collectivement. Je m’occupe également de prendre en charge les petites douleurs, les contractures qui se seraient faites pendant le transport. 

Durant le match, je m’occupe des athlètes pendant les quart temps pour des moments de récupération et de soulagement d’éventuelles douleurs. Il m’arrive parfois de relever des sportifs sur le terrain.

À la fin du match, on commence la récupération dès les vestiaires. Puis, on rentre à l’hôtel avec le même travail de manutention qu’à l’aller. Sur place, les athlètes mangent à tour de rôle de manière à effectuer un roulement pour que je puisse m’occuper de chacun. Ce moment est à la fois consacré  à des soins de thérapie manuelle qu’à beaucoup de partage et d’écoute pour debriefer la journée. Ma journée se termine rarement avant 23h après une journée très riche où l’entraide et le collectif ont été essentiels.