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À Grenoble, un module spécial dos dédié aux personnes sourdes

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C’est une première européenne : en novembre dernier, les équipes de rhumatologie, de rééducation et de l’unité Rhône-Alpes d’accueil et de soins pour les sourds (Uraass) du Centre Hospitalier Universitaire Grenoble Alpes (CHUGA) ont proposé le premier “module dos” accessible à une population sourde à l’hôpital Sud du CHU.

Le « module dos » est un programme de rééducation et d’éducation thérapeutique en prévention secondaire mis en place au CHUGA depuis 2008. Il s’adresse à des patients lombalgiques chroniques (avec évolution de leur lombalgie de plus de 3 mois) en échec des traitements habituels et dont la durée de l’arrêt de travail n’excède pas un an. Suivant les recommandations de la Haute autorité de santé (HAS), ce module a été créé au sein du service de rhumatologie du CHUGA et permet, pour les personnes souffrant de lombalgie chronique, une réorientation de l’offre thérapeutique classique vers une prise en charge intensive mais de courte durée, avec une hospitalisation de jour du lundi au vendredi de 9h à 16h.

Permettant aux participants de renouer avec leur dos et de lutter contre un certain nombre d’idées reçues, ce module n’était toutefois pas adapté aux patients sourds, comme c’est le cas de nombreux programmes thérapeutiques et soins.

Sophie LE GROUMELLEC, cadre coordonnateur de l’Unité Rhône Alpes d’Accueil et de Soins pour les Sourds – Langue des signes explique les spécificités qui font que les personnes sourdes sont malheureusement fréquemment exclues du soin et qu’elles ont besoin de disposer de programmes spécifiques :

« Les sourds sont souvent en décalage informationnel avec les entendants. Non pas qu’ils aient des difficultés à comprendre les informations mais ils n’ont pas les mêmes chances d’accéder aux informations sur la santé. » Elle ajoute : « Le plus souvent, ce sont eux qui doivent s’adapter aux soignants et non les soignants qui s’adaptent à eux. » Alors faute d’outils et de compétences pour signer, c’est-à-dire utiliser la langue des signes, les soignants se retrouvent souvent en difficulté pour expliquer à leurs patients le fonctionnement du corps et mener à bien une éducation thérapeutique complète.

C’est tout le pari du module mis en place à Grenoble : rendre accessible le parcours déjà existant pour les patients lombalgiques entendants aux patients lombalgiques sourds. Sophie LE GROUMELLEC rapporte un énorme travail de préparation en amont : « Les équipes ont dû créer de nouveaux documents pour rendre l’information accessible et claire afin d’éviter tout malentendu. » Il a également fallu au préalable travailler sur la traduction en langue des signes française (LSF) de certains termes techniques utilisés par les médecins et les kinésithérapeutes dans le cadre d’une rééducation. « C’est une manière d’inclure pleinement cette rééducation dans la culture sourde. » explique la spécialiste.

Le Dr Laurent GRANGE, rhumatologue et responsable du programme d’éducation thérapeutique des rhumatismes inflammatoires du bassin grenoblois témoigne du fort investissement des équipes pendant toute la semaine du module : « Les traducteurs et les intermédiateurs ainsi que les kinésithérapeutes et les ergothérapeutes se sont mobilisés pleinement en amont et pendant le module afin d’accompagner pleinement les patients ». Il détaille le programme du module qui mêle théorie et pratique : « Les kinésithérapeutes ont un rôle très vaste. Ils animent des ateliers théoriques ainsi que des ateliers pratiques avec des mises en situation – jardinage ou bricolage par exemple, et d’exercices physiques adaptés notamment en balnéothérapie ou en marche nordique. » L’objectif est, en effet, de remettre les patients lombalgiques en mouvement tout en leur apprenant à adapter leur activité à leur douleur éventuelle.

Et ça marche ! Pour les modules destinés aux entendants, le Dr Laurent GRANGE et ses équipes ont pu noter une diminution de 70% des arrêts maladie pour lombalgie chez leurs patients. S’il n’y a pas encore suffisamment eu de modules destinés aux personnes sourdes pour tirer des statistiques, les participants ressortent ravis de cette expérience qui aura su leur donner des outils en prévention secondaire et en éducation thérapeutique.