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Mal de dos : quand consulter rapidement ?

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Si le mal de dos est le plus souvent bénin, il peut parfois nécessiter une prise en charge rapide. Il peut aussi évoluer – avec l’état général, et il ne faut pas hésiter à en parler avec son kinésithérapeute.
Les professionnels parlent souvent de “red flags” et de “yellow flags” : de quoi s’agit-il ? Pourquoi est-il important de les connaître pour pouvoir, sans tirer seul des conclusions alarmistes, consulter plus ou moins rapidement ?
Faisons le point.

Vous avez dit “red flag” ?

Un red flag, ou drapeau rouge, est un signe, un symptôme ou un élément de l’histoire du patient qui peut faire suspecter une pathologie sérieuse et qui peut nécessiter des examens complémentaires afin d’écarter cette hypothèse.
Il en existe beaucoup et malheureusement, il n’existe pas de consensus définitif sur les liens réels entre tel drapeau rouge et telle pathologie.
Un red flag isolé ne signifie rien la plupart du temps, car ils sont pour la plupart peu spécifiques. C’est le rôle du praticien de les interpréter avec les autres éléments du bilan, l’anamnèse, l’histoire du patient, etc.
Ces red flags constituent donc un faisceau d’indice qui évoquera au kinésithérapeute la possibilité d’une pathologie en particulier, et qui l’invite à aller vérifier d’autres informations soit pour écarter l’hypothèse, soit rediriger vers le médecin si un examen complémentaire s’avère nécessaire.

Quand consulter quand on a mal au dos ?

Le plus souvent, le mal de dos est bénin et ne nécessite pas de voir un médecin le jour même. Mais, accompagné de certains signes, il peut constituer une urgence ou nécessiter une prise en charge rapide.
Dans tous les cas, il faut savoir que la douleur n’est pas proportionnelle à la gravité du problème.

Quand consulter aux urgences ?

Les motifs de consultations aux urgences sont finalement peu nombreuses.
Il s’agit essentiellement de situations dans lesquelles une compression sévère du système nerveux central est suspectée.

Les symptômes plus ou moins caractéristiques qui nécessitent une consultation en urgence sont principalement :

  • Une perte de force importante dans une jambe ou les deux : incapacité à monter sur la pointe des pieds (ou du pied de la jambe concernée), ou bien incapacité à relever la pointe du pied (ou alors le pied tombe pendant la marche). Une perte de force qui empire avec le temps est également un red flag.
  • Une anesthésie en selle, c’est à dire une perte de sensibilité dans la région génitale et péri-anale
  • une dysfonction génito-urinaire, c’est à dire une incontinence urinaire ou fécale (ou au contraire, rétention urinaire ou fécale), une impuissance sexuelle inédite et/ou perte de sensations lors des rapports sexuels

La principale pathologie mise en cause dans cette situation est le syndrome de la queue de cheval, dans lequel une hernie discale comprime fortement les racines nerveuses qui forment la “queue de cheval”, après la fin de la moelle épinière en L2.  Ce syndrome est relativement rare mais constitue une urgence absolue car il y a un risque de séquelles neurologiques définitives au niveau moteur, sensitif et vésico sphinctérien.

Quand consulter rapidement son médecin?

Il faut absolument consulter son médecin si :

  • Le mal de dos est consécutif à une chute, un choc, ou un coup et ce tout particulièrement chez les femmes de plus de 65 ans, chez les personnes qui fument, consomment de l’alcool, prennent des corticoïdes, présentent un diabète ou ont des antécédents de cancer. Il peut s’agir alors d’une fracture vertébrale.
  • Le mal de dos s’accompagne :
    • D’une perte de poids inexpliquée
    • De fièvre
    • D’une altération progressive de l’état général
  • Lorsque les douleurs :
    • Surviennent la nuit
    • Sont majorées par la position allongée
    • Ne sont pas ressenties comme habituelles ou mécaniques
    • Augmentent au fil du temps et ne sont pas soulagées par des antalgiques

Dans ces cas, on pourra redoute une infection ou une tumeur spinales : ces signes ne sont donc pas à négliger.

Vous avez dit “yellow flag” ?

Les drapeaux jaunes sont un type d’informations récoltées par les kinésithérapeutes et qui correspondent aux facteurs psychologiques et sociaux à l’œuvre dans la situation d’une personne. Ils peuvent être prédictifs d’une chronicisation de la douleur.

Dans cet ensemble vaste et disparate, on retrouve :

  • des comportements : comment le patient réagit à la douleur, comment il adapte ses activités du quotidien, ..

 

  • des représentations particulières sur la douleur et sur le dos : “ douleur = blessure” , “ le dos est fragile”, “utiliser le dos finit par l’user, etc.

 

  • une peur de réaliser certains mouvements

 

  • des attentes négatives et une interprétation “pessimiste” de la situation : “ il n’y a plus rien à faire “ , “cela ne va faire qu’empirer” , “bientôt le fauteuil roulant “, etc.

 

  • De l’anxiété et une dépression

 

  • Le fait que le patient se sente incapable de gérer la situation et d’accomplir ses objectifs

Un patient qui présente une ou plusieurs de ces caractéristiques n’est pas un mauvais patient et ce n’est pas de sa faute s’il ne récupère pas.
Ces drapeaux jaunes font simplement partie du problème de la personne, au même titre qu’une hernie discale, et il faut les prendre en compte pour améliorer les résultats de la prise en charge.
Il est normal de ressentir de la kinésiophobie et des représentations négatives de son dos lorsque l’on a mal et que l’on a entendu plusieurs discours effrayants.

Si un patient est déjà suivi par un kiné pour une lombalgie, quels sont les éléments/changements qu’il doit absolument lui signaler afin d’améliorer sa prise en charge ?

Il est important d’avertir son kinésithérapeute si :

  • De nouveaux symptômes apparaissent (y compris les red flags vus plus haut). Idéalement le kinésithérapeute peut expliquer au patient les potentiels drapeaux rouges qu’il pourrait remarquer, pour qu’il puisse les reporter rapidement à quelqu’un et agir vite (ils appellent ça du “safety-netting “)
  • Si le patient a du mal à faire les exercices ou s’il ne parvient pas  à les faire, ou encore s’il manque de matériel, de temps…  Le kinésithérapeute devra alors pouvoir faire évoluer la prescription d’exercices.
  • Si le patient n’est pas à l’aise avec les moyens (ex : certains mouvements) proposés par le kinésithérapeute car il appréhende ces mouvements, ne comprend pas pourquoi il faut les faire et a peur de se faire mal, … Il est important de discuter de toutes ces choses-là, pour d’une part se rassurer,  et d’autre part permettre au kiné de guider le patient à travers ces obstacles.

Il convient également :

  • De parler à son kinésithérapeute de l’évolution des symptômes sur 24h après la dernière séance : cela permet, par exemple, d’affiner le dosage des exercices.

 

  • S’assurer que des objectifs communs ont bien été posés. Si la diminution de la douleur est souvent un motif de consultation, ce n’est pas toujours le seul. Le patient peut aussi vouloir refaire telle ou telle activité, pouvoir rester assis(e) au travail x heures, etc.

Merci à Éric Bouthier, kinésithérapeute et auteur du blog https://comprendresondos.fr/ pour son aide

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Sources :

Finucane L., Downie A., Mercer C., Greenhalgh S., Boissonnault W.G., Pool-Goudzwaard A., Beneciuk J., Leech R., Selfe J. International Framework for Red Flags for Potential Serious Spinal Pathologies. JOSPT 2020

Sue Greenhalgh, Laura M Finucane,, Christopher Mercer, James Selfe, Safety netting; best practice in the face of uncertainty, Musculoskelet Sci Pract 2020 Aug;48:102179